Ou alors, dernière pièce à verser au dossier, son Turtle Vetiver pour Les Nez, un « parfum rebelle » dont seuls 80 flacons ont été fabriqués : lorsqu’ils seront épuisés, Isabelle Doyen proposera une nouvelle variation sur le matériau.

Si vous aimez le vétiver, jetez-vous sur celui-là. C’est à peu près ce qui se rapproche le plus de la véritable odeur de l’essence de vétiver, qui est assez déconcertante lorsqu’on n’est habitué qu’à sa version retravaillée et civilisée : brute, voire brutale, étonnamment mordante et camphrée, avec des facettes phénoliques bois brûlé qui évoquent le gaïac. Doyen s’est coltiné cette brutalité à l’emporte-pièce, sans flancher, sans tenter de lui coller un sourire aimable. Son vétiver gronde d’une voix de basse. Mais alors… il commence à se métamorphoser pour afficher, par touches évanescentes, les innombrables facettes de ce matériau incroyablement riche : une bouffée minérale de silex, puis l’odeur de pamplemousse salé que j’assimile toujours à celle de la sueur fraîche…

Ce parfum déjoue le cours normal du développement pyramidal, dans une espèce de tour de passe-passe de physique quantique olfactive : au lieu de s’approfondir vers les notes de fond, il part à rebrousse-temps pour se dépouiller de ses notes médicinales et dévoiler des citrus ensoleillés, avant d’ouvrir, au bout de plusieurs heures, son cœur floral de jasmin hespéridé. Un peu comme si on écoutait Iggy Pop, époque Stooges, et qu’il lâchait tout d’un coup une ballade veloutée…

Je ne sais pas comment Doyen s’y est prise, et quelles sortes de prouesses chimiques elle a déployées pour parvenir à ce jeu d’illusions, mais c’est, en tous cas, une véritable prouesse olfactive.

Denyse Beaulieu sur Grain de Musc
Stacks Image 33
Stacks Image 41
Stacks Image 43
Perfume bottle with collar